Pré-scriptum : Désolé, les filles. J'avais fait un texte pour le taboulé mais je ne l'ai pas posté à temps et ça m'ennuie de le jeter. Je vous le colle comme il était, même si ça fait doublon. En fait, la recette que je propose recoupe vraiment la-tienne, Iris, et les remarques de Marie-Germaine. Bien sûr, comme souvent, on saura que ce texte ne peut qu'être de moi…
Promis, je tâcherai d'être plus rapide la prochaine fois !
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Le taboulé
Un ami, d'origine libanaise, nous régale d'un taboulé qui n'a — heureusement — rien de commun avec les produits de l'industrie agro-alimentaire qui encombrent les rayons des supermarchés sous des étiquettes de la plus pure fantaisie.
S'attaquer au vocabulaire, détruire le sens même des mots, c'est faire perdre toute référence culturelle à l'homme qui en éprouve la nécessité pour juger son environnement et prendre la juste mesure de sa vie, notamment dans sa qualité. Tuer le verbe, c'est attenter à la vie même.
Ainsi, les industriels de l'agro-alimentaire ont-ils décidé, après avoir mesuré coûts et bénéfices — seules références « valables » à leurs yeux — de substituer à un mets porteur d'histoire, de coutumes et de traditions, un produit simplement rentable. Une manière de salade à base de semoule de couscous. Les mêmes marchands incultes, obtus et cyniques, n'avaient éprouvé, il y a quelques années, aucune gêne à modifier le genre du mot « enzyme ». Souvenez-vous des « enzymes gloutons » sensés grignotter les dernières particules de saleté de votre linge. Ils ont également décidé de baptiser, sur une motivation tout aussi vénale, de nommer « coquille st-jacques » de vulgaires pétoncles, chlamys islandica, zygochlamys patagonica ou argopecten purpuratus, piètres concurrents du sublime et inimitable pecten maximus des côtes européennes atlantiques. Ils polluent le chocolat avec des graisses végétales rentables. Aujourd'hui, ils décident de baptiser « taboulé » une invention quelconque mais rentable qui n'a RIEN de commun avec le taboulé. C'est mépriser la culture millénaire des hommes du Moyen-Orient. C'est donc nous mépriser.
La politique, ça commence dans mon assiette.
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Le taboulé est du Moyen-Orient, c'est incontestable. Mon ami affirme qu'il est purement libanais (phénicien, même). D'autres le voient apparaître entre Liban, Irak et Syrie. Ne tranchons donc pas.
Au Liban, le taboulé est un des mezzés les plus connus. Un mezzé, c'est un ensemble de hors-d'œuvres qui peut atteindre, lors de grandes cérémonies, une centaine de plats. Les falafels — boulettes de pois chiche, — et le houmous (prononcer « omosse ») — purée de pois chiche — en font partie, au côté du taboulé.
Lorsqu'un plat de taboulé vous est présenté, le vert domine largement. C'est en effet un plat riche en herbes aromatiques. Mais voyons les composantes courantes du taboulé.
— Boulghour : blé germé, brun ou blanc, précuit et concassé grossièrement ou finement.
— Menthe fraîche. Il en existe dans nos contrées une douzaine d'espèces.
— Persil plat. Le persil frisé est très décoratif. Le persil plat a plus de saveur.
— Ciboulette ou oignon blanc entier, avec ses tiges vertes.
— Tomate du marché ou du jardin. Les seules qui méritent ce nom. Celles de l'INRA (Institut National de la Recherche Agronomique, trop souvent au service de la FNSEA - syndicat agricole majoritaire, productiviste et très porté à droite) sont les pires.
— Citron. Commun, jaune.
— Huile d'olive. L'huile « Lesieur » offre, même si cela étonne, un excellent rapport qualité/prix.
— Sel et poivre.
— Une salade. Laitue, romaine ou scarole.
Pas de semoule de couscous, pas de poivron, pas de raisins secs. Pas de poulet, pas de thon, pas de fromage, pas d'œufs. Oui, oui, j'ai vu tout ça !
La mise en œuvre est assez simple :
Pour 4 convives
— Dans un plat… plat, répartir l'équivalent d'un verre à moutarde de boulghour brun à mouture fine et l'imbiber d'un volume semblable d'eau pour le faire gonfler. Trente minutes à une heure, au frais ;
— Hacher menu les herbes (un beau bouquet — c'est ainsi — de chaque mais un peu moins de ciboulette) et les oignons blancs ainsi que leurs tiges, si on les préfère à la ciboulette. Tout au couteau. On évitera tout hachoir électrique qui ne donne que de la purée ;
— Monder et épépiner les tomates (2 ou 3 selon grosseur) pour en garder la pulpe que l'on détaille en petits dés ;
— Peler un citron à vif. On enlève l'écorce à la lame fine jusqu'à atteindre la pulpe puis on détaille chaque tranche en oubliant les peaux intermédiaires. La pulpe est détaillées grossièrement. On ajoutera du jus d'un autre citron si jugé bon ;
— Éliminer le surcroît d'eau du boulghour. Certains le pressent dans un torchon fin.
— Mélanger les ingrédients.
— Ajouter l'huile d'olive selon ses préférences.
— Saler et poivrer selon ses goûts.
Le taboulé se déguste frais. Il pourra attendre un peu au frigo. Si l'attente devait être un peu longue, on n'ajoutera la tomate et le citron, ainsi que l'huile d'olive, que peu de temps avant de servir pour que le taboulé reste un peu sec.
Dernier point important : pour le manger, on prend une feuille de salade et l'on saisit avec elle une certaine quantité de taboulé dans le plat avant porter le tout à la bouche. La feuille de vigne est également utilisée.
Et voilà ! Avec cette recette vous aurez probablement dégusté votre premier taboulé authentique. D'une fraîcheur exquise.
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Post-scriptum : avec la recette d'Iris peut-être avant !